Parvenir à désartificialiser les sols par des éléments en dur : voilà ce que permettent ces modules verts écologiques et déplaçables.
Il n’est plus si facile d’être climato-négationniste aujourd’hui. Les conséquences du changement climatique sont de plus en plus visibles : températures extrêmes, inondations, etc. L’urgence est claire, et les villes et communes intègrent très consciemment le changement climatique dans leur politique. Dans le sud-ouest de la Flandre, une stratégie régionale de désartificialisation des sols a été développée sous l’impulsion de Leiedal. Dans cette région, il y a en moyenne 301 m² de surface artificialisée par habitant, soit près de 20 m² de plus que dans le reste de la Flandre. La région entend faire disparaître cette différence d’ici 2040.
20 m², cela peut sembler peu, mais l’enjeu est complexe. Vanessa Dehullu, DVC Consult, évoque une première zone de tension : « L’espace public est multifonctionnel. Une place de village doit être verte et agréable afin que les gens prennent plaisir à s’y arrêter. D’un autre côté, cette même place doit aussi pouvoir accueillir occasionnellement un grand événement ou un marché de Noël, et dans ces moments-là, la place doit être aussi plate et dure que possible. Idem pour les petites routes : les villes et communes essaient de les sécuriser en y installant des bacs à fleurs ou en procédant à d’autres aménagements, mais au printemps, les grandes courses cyclistes doivent pouvoir y passer sans difficultés. »
Hannelore Fabri de Leiedal évoque d’autres zones de tension : « Un élément important dans ce contexte est l’entretien. Nous voyons de plus en plus de villes et communes réfléchir très consciemment à la désartificialisation des sols. Mais dans la pratique, il reste plus facile et moins onéreux de bétonner une surface, car elle ne nécessitera alors quasiment plus d’entretien. D’ailleurs, ce n’est pas tous les jours que l’on aménage ou réaménage un espace public. Les routes, places etc. sont réaménagées tous les 70 ans en moyenne. On peut essayer d’y apporter des modifications par la suite, mais il est nettement préférable d’intégrer la désartificialisation des sols dès la phase de planification et de conception, et d’anticiper. »
Le processus n’a en tout cas pas abouti à une solution standard. Grâce à la cocréation entre designers, villes et communes, et entreprises, une cassette verte innovante a été conçue : un élément en dur qui assure en même temps une désartificialisation des sols. Les plantes sont plantées au préalable dans la cassette afin qu’elles soient déjà belles lorsque la cassette est placée dans le sol. La cassette recueille l’eau de pluie et, grâce à une technique également utilisée dans les jardins de toit, les plantes reçoivent automatiquement de l’eau. Autrement dit, plus besoin d’arroser. Plus d’artificialisation des sols non plus, car l’eau de pluie excédentaire est absorbée dans le sol. La multifonctionnalité n’a pas été oubliée : la cassette peut être complètement retirée du sol et fermée par un couvercle solide afin de faciliter le déroulement des courses cyclistes et autres événements.
Une solution qui semble paradoxale, mais apporte une excellente réponse à un défi complexe.
Rutger Davidts, commune de Zwevegem
Cette anticipation, Leiedal et Studio Dott s’en sont chargés. Avant cela, la concertation intercommunale des agents des services espaces verts de Flandre du sud-ouest a constitué un excellent point de départ. Encadrés par Leiedal et Studio Dott, ils ont réalisé ensemble un parcours intensif pour parvenir à une solution tournée vers l’avenir.
Rutger Davidts, chef de service Espaces verts & Voiries de la Commune de Zwevegem, a accompagné pratiquement tout le processus : « Lors d’une première session, nous avons identifié l’enjeu à l’aide de photos et de discussions. Ces discussions entre pairs étaient déjà instructives et nous ont permis d’atteindre le cœur du problème. À partir de la deuxième session, un designer nous a également rejoints. Celui-ci n’avait pas de préoccupations liées à des connaissances en la matière, et cela s’est avéré être un grand atout. Le designer posait les questions que nous ne nous posions plus. Aux services des espaces verts, nous partons par exemple du principe qu’il est préférable de mettre les plantes en pleine terre. Lorsque ce n’est pas possible, nous optons pour des bacs à fleurs, mais cela nécessite automatiquement un arrosage, etc. Le designer nous a demandé si les bacs à fleurs devaient forcément être placés au-dessus du sol. »
« Des questions aussi spontanées permettent de rompre judicieusement notre cadre de réflexion. Indépendamment du produit fini que nous avons conçu, il s’agit pour moi d’un autre résultat important du processus. La collaboration a non seulement renforcé l’entente au sein de la concertation, mais a également ouvert notre regard. Aujourd’hui, j’applique aussi cette manière de penser dans d’autres aspects de notre fonctionnement. Les solutions standard ne sont pas nécessairement la solution. Il faut oser remettre en question notre manière de penser habituelle pour parvenir à de bonnes solutions. »